
Aujourd’hui, en ce 6 décembre frisquet, pendant que j’avais entre les mains un puissant outil, de ceux dont on dit qu’ils sont des « jouets de monsieurs », j’ai pensé aux stéréotypes de genre et à la société qui évolue un peu, heureusement, bien qu’assez lentement…
J’ai pensé à ma coiffeuse, qui s’est réorientée en maçonnerie au début de l’année: la seule fille de sa cohorte, qui ira rejoindre les quelque cinq ou six briquetteuses-maçonnes en activité au Québec.
J’ai pensé à la partenaire de travail de mon chum, première mécanicienne d’ascenseur de l’histoire de la STM. Je lui érigerais une statue. Parce que même si son équipe l’adore, il se trouve encore des gens pour dire que c’est un métier trop physique pour une femme. Ou qu’il n’y a pas de raison d’avoir des incitatifs à l’embauche des femmes dans les métiers de la construction. Si elles le méritaient, elles seraient engagées, non?
J’ai pensé à des ingénieures que je connais et admire. Je ne sais pas dans quelle mesure elles ont été victimes de sexisme pendant leurs études, ou sur le marché du travail. De toute évidence, ça ne les a pas empêchées d’avancer. Des femmes fortes.
J’ai pensé à la championne d’échecs dans The Queen’s Gambit (très bonne série, que je vous recommande par ailleurs), qu’on regardait à ses débuts avec une condescendance à la limite du mépris. Et à la joueuse russe qui n’a jamais affronté des hommes. Pourtant, on ne joue pas aux échecs avec ses organes génitaux, il me semble.
J’ai pensé au monsieur qui a très littéralement ri de moi au téléphone parce que je cherchais une pièce spécifique pour notre sauna gossé main. « Je vous conseille pas d’essayer ça à la maison. C’est parce que c’est compliqué, ma p’tite madame, construire un sauna-baril! » (Non, pas tant que ça.)
Et à cet autre, qui m’avait regardée de si haut, un jour où j’étais allée seule à la cour à bois, et qui m’avait remis un plan de coupe bâclé, plein de gaspillage, que j’avais pris le temps d’optimiser moi-même sous ses yeux…

Et j’ai pensé à ces 14 jeunes femmes tuées parce qu’un homme a décidé que leurs aspirations menaçaient les siennes. Ce n’était pas suffisant pour lui de considérer que le génie devrait être la chasse-gardée des hommes: il fallait les tuer pour qu’aucune autre femme n’envisage de venir voler d’autres jobs d’hommes. J’aimerais que ça fasse 100 ans (j’aimerais encore mieux que ça ne soit jamais arrivé), pour me dire qu’aujourd’hui, on est bien loin de tout ça, mais ça fait 31 ans. Et je me demande aujourd’hui encore si je dis vrai, quand je dis à mes filles qu’elles peuvent faire tout ce qu’elles veulent…
