Je vous écrivais récemment qu’après un petit voyage d’agrément à Cuba, j’avais été engagée comme traductrice, au groupe financier pour lequel je travaille toujours. Les astres étaient parfaitement alignés: sitôt débarquée de l’avion ou presque, on m’appelait pour que j’aille faire un test et une entrevue. J’avais un peu d’appréhensions… Dans mes pires cauchemars, j’allais traduire des chiffres. Mais finalement, ce n’était pas si mal. Les textes à traduire étaient relativement variés. L’équipe, d’abord très petite, était néanmoins sympathique et appelée à prendre beaucoup d’expansion. J’ai noué des amitiés, et même convaincu des ami.es de longue date de se joindre à « l’aventure ».
Mais voilà, l’aventure n’était pas si palpitante finalement, et ça n’a pas été très long avant que je commence à m’ennuyer… Heureusement, c’était aussi le temps de fonder une famille. Et ça, ça change beaucoup le mal de place! Je suis donc partie en congé de maternité après tout juste un an en poste.
Pendant ces mois de congé de maternité, la vie professionnelle m’a un peu manqué, juste assez pour me donner un petit élan à mon retour de congé. (Petite anecdote sur mon retour au travail: le premier matin, lendemain de tempête, j’ai fait tomber une pelle qui traînait dans le vestibule sur la tête de mon enfant! Ça commençait très bien…) Après quelque temps, je m’ennuyais encore un peu, mais la conciliation travail-famille était somme toute assez simple. Je savais que l’absence de défis venait avec un avantage notable: l’absence de stress. Je pensais parfois à changer de métier, sans jamais vraiment trouver quoi faire qui ne nécessiterait pas un long retour sur les bancs d’école.
Mais souvent, je lisais des articles avec des titres alarmistes, comme « Le travail de bureau: mourir à petit feu » ou « Rester assis à l’ordinateur ruine votre santé même si vous faites du sport aussi ». Et je me suis mise à croire que mon problème était le manque de mouvement, plutôt que le manque de stimulation intellectuelle.
(Ça a pris vraiment du temps avant que j’aie un peu de clairvoyance par rapport à ce que j’aime comme travail! Il faut quand même reconnaître que je n’avais pas tout faux: le fait d’être assise devant un ordinateur 40 heures par semaine me cause encore des pépins physiques à ce jour… Mais ignorer complètement que c’est surtout mon cerveau qui avait besoin d’être nourri?!? Méchant gros angle mort! Cette saga aurait pu s’appeler La saga des angles morts…)
Donc, je rêvais de faire un travail un peu plus physique, genre physiothérapeute, mais comme j’avais pas fait tous mes cours de science au cégep, ça aurait été un très looooooong projet. C’était impensable que je sorte du marché du travail pour 5 ans. Ou que je fasse un DEC et un bac à temps partiel pendant 20 ans… Puis, un jour, j’ai vu que j’avais presque tous les prérequis du programme de kinésiologie, sauf un cours de biologie du cégep…
C’est ainsi que j’ai eu l’idée de profiter de mon deuxième congé de maternité pour entamer ma réorientation. Je me suis inscrite au cours de biologie à distance et j’ai recueilli les documents pour la demande d’admission, bulletins, lettres de recommandation relatant ma pratique de divers sports et vantant mon esprit sportif, en plus de mes capacités académiques (dont une écrite par une amie d’enfance qui « aurait pu » m’avoir entraînée dans un club de natation à l’adolescence…), etc. Puis j’ai reçu une convocation pour des tests d’habiletés physiques… qui aurait lieu genre 10 jours après ma date prévue d’accouchement.
N’ayant pas encore accouché, et étant de nature optimiste, je me suis dit que je traverserais le pont rendue à la rivière. Mais finalement, comme j’ai accouché avec quelques jours d’avance (j’ai d’ailleurs dû passer les quelques jours en question chez mes parents, après la sortie de l’hôpital, car la maison n’était pas prête!)… ça me donnait 14 jours pour m’en remettre.
Qu’à cela ne tienne, rien ne m’empêcherait d’embrasser ma nouvelle carrière, pas même la possibilité d’une descente de vessie devant quelques dizaines d’aspirant.es étudiant.es en kinésiologie.
Mais quel embarras, quelle humiliation! Qui aurait cru que c’était important de faire des belles roulades arrière pour pouvoir faire de la recherche sur l’activité physique, ou même faire bouger des gens? Le parcours allait à peu près comme suit:
- Passer le cheval d’arçon en sautant les jambes écartées: 2/10 pour m’être rendue de l’autre côté, mais c’est clair que l’élégance n’était pas au rendez-vous et que mes deux jambes ont accroché l’engin…
- Roulade avant: ici, je me donne la note de passage, 6/10 pour l’effort, vu que c’était sans doute ma première en 20 ans. L’élgance n’était toujours pas au rendez-vous, cela dit.
- Marcher sur la poutre: la roulade désoriente un peu, mais pas assez pour me faire tomber ici. 7/10
- Roulade arrière: si le ridicule avait tué, c’est sans doute ici que je serais morte. Est-ce que je vous ai déjà dit que j’avais pris des cours de gymnastique dans ma jeunesse et que j’étais la seule à ne PAS être capable de faire la roue? Ça s’était terminé en cheville foulée et j’étais passée à d’autres sports. 0/10 pour cette figure.
- Tirs au panier. Moi, mes sports, ce sont l’aviron, le tennis, la course, le ski de fond, la natation. Rien qui implique de viser comme du monde. Je ne pense pas avoir réussi un seul panier. 0/10
- Sauter à la corder en courant. Voyons donc que c’est un prérequis pour étudier?!? 2/10 parce que je ne suis pas tombée et que la corde ne m’a pas étranglée, mais c’est clair que je n’ai pas couru ET sauté à la corde en même temps. C’était plus comme une alternance…
- Contourner des cônes avec un ballon de soccer. Apparemment, contourner des cônes en voiture ne constitue pas une préparation adéquate (de toute façon, c’est un anachronisme, je n’avais même pas mon permis de conduire à cette époque!)… 1/10
J’en oublie peut-être, mais dans l’ensemble, ce fut un échec sur toute la ligne. Et après, il fallait garder la tête haute pour aller faire l’entrevue… Mais rendue là, tout mon amour du sport, mon éloquence et mon dossier académique sans faille (quoiqu’un peu fantaisiste) n’auraient pas pu leur faire oublier le piètre spectacle de mon test d’habiletés. J’ai reçu la lettre de refus peu après, et je n’ai jamais fini (ni même commencé) le cours de biologie à distance. (Notons au passage que l’UQAM semble me rejeter systématiquement. J’y avais pourtant eu beaucoup de succès dans les cours que j’avais suivi comme étudiante libre…)
Au moins, je n’ai pas subi de descente d’organe, j’ai juste été blessée dans mon orgueil de sportive. À la fin de mon congé de maternité, je suis retournée tête basse à la traduction… Faut bien nourrir ces petites bêtes-là! Et c’est ainsi que prit fin ce chapitre loufoque de ma désorientation de carrière où j’ai cru que je pourrais m’extirper du fauteuil où immanquablement je m’endormais et mourais!
Après, j’ai ralenti mes activités de rééducation périnéale, et à ce jour, je n’ai toujours pas fait assez de Kegel dans ma vie pour… accompagner mes enfants dans un centre de trampoline.
Au prochain épisode… on approche de la fin! À bientôt!
Une réflexion sur “La saga des mauvais choix, ép. 10 – Faites vos Kegel”