À quelques reprises, depuis que j’ai des enfants, j’ai eu l’impression de gagner à la loto:

  • La fois où le CPE m’a appelée pour offrir une place pour ma plus vieille
  • La fois où l’école de douance (que l’aînée fréquentait déjà) m’a appelée pour offrir une place à ma plus jeune, réglant ainsi le problème de logistique matinale familiale qui me pourrissait un peu la vie
  • La fois où la clinique m’a appelée pour qu’un nouveau médecin de famille prenne en charge mes deux enfants

Avoir accès facilement à un CPE, à un médecin de famille et à une école publique relativement adaptée aux besoins de nos enfants, ça ne devrait pas être le rêve d’une vie. C’est bizarre de considérer ça comme une chance inouïe, presque comme un privilège.

Et pourtant, cette chance n’est pas donnée à tout le monde. Prenons l’école: ces temps-ci, c’est l’automne, la saison des inscriptions et des tests d’admission pour préparer la rentrée scolaire de 2022… ou de 2023, si on en croit cet article de La Presse, qui mentionne également que certaines écoles internationales, alternatives ou enrichies procèdent littéralement à un tirage au sort pour choisir leurs élèves. (À l’école que fréquentent mes filles, il y a désormais tant de demande et si peu de places que les places au test d’admission sont maintenant déterminées par une pige!) Si c’est pas ton jour de chance, tant pis pour toi et tes enfants!

C’est aussi la Semaine québécois de l’école publique, pendant laquelle on valorise celle-ci comme on peut, soulignant les efforts et les programmes mis en place, essentiellement pour rivaliser avec l’école privée. Ça fait d’ailleurs longtemps que je pense à écrire un billet là-dessus… depuis la semaine de l’école publique 2019, pour être plus précise! J’avais lu des publications du mouvement L’école ensemble, qui souhaite mettre fin à la « ségrégation scolaire » ou à « l’école à 3 vitesses », qui m’avaient fait réfléchir et avec lesquelles je n’étais que partiellement d’accord. En fait, les positions de ce mouvement m’avaient d’abord un peu irritée; j’avais l’impression qu’on souhaitait mettre la hache non seulement dans les écoles privées (ou du moins, arrêter complètement de les subventionner, ce qui ne me ferait pas verser une larme), mais aussi dans les écoles à vocation particulière et les programmes d’enrichissement. Je n’étais pas convaincue que ce soit une bonne idée de mettre tous les profils dans une même classe, que j’imaginais spontanément nivelée par le bas…

Mais j’ai procrastiné pendant deux ans parce que 1) c’est un enjeu complexe qui exige une réflexion nuancée (aussi, je suis une personne qui cherche le consensus, et ce n’est pas un sujet consensuel!) et 2) j’ai pleinement conscience des privilèges éducatifs dont j’ai bénéficié; ils ne m’empêchent pas d’avoir une opinion sur le sujet, mais m’obligent à peser plus longuement mes mots.

J’ai l’impression d’avoir reçu tout ce que l’école publique avait de mieux à offrir, dans ma jeunesse. Et j’observe que les privilèges éducatifs se transmettent souvent de génération en génération. Mes enfants aussi profitent présentement (et continueront vraisemblablement de profiter) de programmes enrichis, qui, sans être parfaits, correspondent bien à leurs besoins.

Mais pour revenir à la volonté d’éliminer « l’école à trois vitesses », comprenons-nous bien: mettre fin à la ségrégation fondée sur les ressources financières, le statut social ou les origines culturelles (trois aspects que j’imagine plutôt corrélés par ailleurs…), je suis pour à 100%. Je suis convaincue que présentement au Québec, l’égalité des chances est une utopie très, très loin d’être atteinte, et qu’on devrait faire beaucoup mieux, comme société, pour que les élèves aient les mêmes chances, sans égard au statut socio-économique de leurs parents.

Je tique toutefois quand je lis ceci sur le site de l’École ensemble, qui vise aussi à éliminer le « public sélectif » et le regroupement par aptitudes: « La nouvelle composition de la classe, beaucoup plus équilibrée, rendra possible pour les enseignants le recours à une pédagogie différenciée. » Je n’y crois pas vraiment, à cette nouvelle classe hétérogène où l’enseignant.e pourrait se livrer à sa guise à une « pédagogie différenciée »… ni que les élèves ayant le plus de facilité puissent « sauver » les élèves en difficulté. Ça serait vraiment beaucoup de responsabilités à mettre sur le dos d’enfants…

Je ne suis ni prof, ni experte en éducation, ni rien qui me qualifierait pour avoir une opinion forte là-dessus, mais je serais vraiment curieuse de savoir ce serait quoi, le plan, pour mettre ça concrètement en application. Espère-t-on qu’avec une offre de programmes diversifiée, les élèves iraient naturellement vers les spécialités pour lesquelles leurs aptitudes seraient adéquates? Un peu comme un vélo à 21 vitesses n’a pas réellement 21 vitesses, parce qu’on ne peut pas se servir en même temps du gros plateau et du gros pignon? Il me semble que les classes qui en résulteraient ne seraient pas tellement plus hétérogènes que si les mêmes programmes avaient des critères de sélection, qui sont parfois assez intrinsèques à la nature d’un programme…

Cela dit, même si j’ai beaucoup de difficulté à concevoir une classe unique qui conviendrait à tous les élèves, je pense que je suis finalement plutôt d’accord avec les idées derrière le mouvement de l’École ensemble, en ce sens que je voudrais:

  • Que les élèves ayant des besoins particuliers aient accès à des ressources.
  • Que les élèves ayant de l’intérêt pour un projet motivant aient accès à des programmes motivants.
  • Que nous ayons la sagesse, comme société, de réaliser que ces besoins et ces intérêts ne créent pas deux catégories d’élèves mutuellement exclusives, mais que chaque élève peut avoir à la fois des besoins spéciaux et le goût d’apprendre dans un contexte stimulant qui correspond à ses inclinations.

Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire… et, entre vous et moi, ça m’arrange quand même que ce ne soit pas ma job, mais seulement mon petit moment « gérante d’estrade » de la semaine.

En attendant, à vous parents qui voulez offrir une éducation de qualité à vos enfants, je vous souhaite autant de chance que j’en ai eu pour moi et pour mes enfants (jusqu’à maintenant!), en espérant qu’un jour la chance n’ait plus aucun rôle à jouer là-dedans.

Une réflexion sur “Gagner à la loto

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