Juste avant d’avoir une épiphanie qui allait changer ma carrière pour de bon, j’avais élaboré un autre plan pour essayer de sortir de ma torpeur. Je vous en avais déjà glissé mot ici, alors que c’était tout frais dans ma mémoire. Je me voyais encore un peu faire de la traduction, ce travail que je faisais somme toute très bien… mais de la traduction juridique, et seulement en microdoses (mentionnons au passage que l’idée que je m’en faisais – essentiellement travailler de 9 h à midi – ne correspond probablement pas pantoute à la réalité du travail autonome en traduction juridique…). Mourir dans ma chaise de bureau n’était plus une option, mais la clairvoyance n’était pas tout à fait au rendez-vous encore…

Dans le fond, tout le plan reposait sur l’idée que j’allais devenir la seule maître à bord et expédier des tâches qui ne m’intéressent pas pour me consacrer à d’autres activités qui me motivent dans mes heures ainsi libérées.

Mais si on relit bien la phrase ci-dessus, à tête reposée, on le voit clairement que le problème, c’est que ÇA NE M’INTÉRESSE PAS. À la seconde où cette réalité m’est apparue dans toute sa splendeur, le plan n’était plus envisageable.

Rajouter un peu de complexité juridique à la chose n’aurait nourri ma curiosité que très brièvement et superficiellement: le droit non plus ne me passionne pas, je l’ai constaté assez vite. Ce n’est pas inintéressant, mais c’est le genre de choses que j’ai spontanément envie de laisser à d’autres.

En devenant une traductrice spécialisée dans le domaine juridique, j’aurais sans doute pu avoir une belle carrière, avoir ma propre entreprise lucrative et reconnue… Et j’aurais fini ma carrière riche et sur le pilote automatique. (Je pense pas que j’aimerais ça tant que ça être riche!)

Ou, dans mes rêves, j’aurais été traductrice juridique le matin, et musicienne baroque l’après-midi. Deux affaires qui ne se peuvent pas parce que 1) ce n’est pas vrai que le travail autonome donne toute la latitude de choisir son propre horaire; 2) j’aurais vite été brisée de partout, et ma carrière baroque n’aurait pas volé très haut.

Cette fois-là, ça m’aura pris seulement quelques mois pour réaligner le tir, heureusement (et un seul cours à la Faculté de Droit, que j’ai suivi jusqu’à la fin un peu par orgueil, et un peu parce que le timing a été excellent, faisant presque coïncider l’abandon de ce projet peu prometteur et l’illumination qui a finalement donné un second souffle à ma vie professionnelle). À l’âge que j’avais, c’était un projet laborieux et long, de retourner à l’université, ne serait-ce que pour un certificat de 30 crédits qui aurait pu s’étaler sur plusieurs années… Si j’avais continué, je serais présentement à mi-chemin, ou à peine plus!

Mais l’université n’était plus l’espace de jeu, d’amitiés, de découvertes et de stimulation intellectuelle que j’avais connu dans la jeune vingtaine. Mes doutes initiaux sur ma capacité à y mettre l’énergie et l’effort à nouveau ont rapidement été dissipés; j’aurais encore pu être une bonne étudiante. Toutefois, pour soutenir cet effort pendant des années, il aurait fallu que j’y croie pas mal plus! Et maintenant que j’ai goûté à d’autre formes d’apprentissage tellement moins contraignantes et coûteuses, je ne suis même pas sûre que j’aurais envie de retourner sur les bancs de l’université dans un domaine qui me passionne…

Le fait que cette entreprise académique était subventionnés par mon employeur et dûment inscrite dans un « plan de perfectionnement professionnel » (P3 pour les intimes) n’y changeait rien. On ne peut pas empêcher un coeur d’aimer, et on ne peut pas empêcher non plus un coeur d’être platement indifférent… Et je suis vraiment contente d’avoir enfin eu un peu de lucidité par rapport à ce qui me drive (mieux vaut tard que jamais, dira-t-on; j’avais quand même la mi-trentaine franchie) et de ne pas m’être acharnée sur ce projet, qui, sur papier, tenait pourtant la route.

C’est peut-être ça le vrai apprentissage, la vraie révélation de toute cette Saga des mauvais choix: acquérir de haute lutte un état de conscience où je sais distinguer ce qui m’allume réellement, parmi les nombreuses choses qui m’intéressent vaguement, et être capable enfin de faire des choix qui tendent vers ça, à court et à long terme.

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