Vous l’avez peut-être senti, ou vous le savez parce que vous m’avez vue récemment: la Saga est finie, il faut la conclure. Or, de tout temps, j’ai été habile avec les métaphores (selon une prof de cégep plutôt sympa), mais poche dans les introductions (selon une prof de cégep rigide) et les conclusions (selon moi). « Synthèse + ouverture »; ce n’est pourtant pas si compliqué… Ça ne m’a pas empêchée de terminer mon épreuve synthèse de cégep (la fameuse épreuve finale qui est censée mettre à profit toutes les connaissances et compétences acquises et les emballer dans un grand voile de pertinence) avec un « Fait que c’est ça » bien senti pour toute conclusion. Je m’étais dit que j’allais improviser… mais finalement j’ai été moins inspirée que prévu. Dans mon for intérieur, j’ai dû me dire: « Ça fait seulement 5-10 minutes que je parle d’une Fugue de Bach, avez-vous tant besoin d’une synthèse pour vous rappeler les grandes lignes?!? » Et l’ouverture, c’est l’indicible plaisir de voir le monde qui s’ouvre à toi quand tu SORS du Conservatoire!

Il n’y en aura pas ici non plus, de synthèse. Vous ne vous souvenez plus du début, que vous avez lu il y a déjà plus de trois ans, ni des longs détours? Replongez-vous dedans, je ne vous servirai pas un résumé à la petite cuillère!

Par contre, pour l’ouverture, je vais me forcer. Ce n’est pas si difficile, puisque la Saga « segue » sur une nouvelle carrière pleine d’espoir… Je réalise que depuis janvier 2020, date à laquelle j’ai intégré une équipe de gouvernance données en assurance, je ne vous ai presque jamais écrit sur mon « nouveau travail ». C’est que ça n’a pas été évident tout de suite, cette transition, pour différentes raisons. (Aussi, toute vérité n’est pas bonne à dire, et encore moins à écrire sur Internet…)

Ce poste de gouvernance, ce n’est pas ce à quoi je m’étais préparée pendant mon congé de l’été 2019. Sur le 500+ heures de formation, il y en a très exactement 0 qui ont été consacrées à la gouvernance. C’était un compromis, parce que malgré toute ma confiance en mes moyens et ma volonté, malgré aussi que j’ai senti un intérêt et une admiration sincères pour mon parcours toutes les fois que j’ai fait une entrevue, personne n’osait vraiment m’engager pour le genre de poste analytique que je convoitais.

À vrai dire, j’ai accepté la première offre qu’on m’a faite, même si ce poste plus généraliste n’était pas exactement ce que je voulais, parce que je n’avais aucune garantie que j’en aurais d’autres. Il s’agissait d’un remplacement de congé de maternité: je me disais qu’après un an, j’aurais sans doute eu l’occasion de faire mes preuves, de tisser des liens avec plus de collègues et de viser un autre poste dans l’entreprise qui correspondrait mieux à ce que j’avais imaginé; sans manquer de relever l’ironie d’être embauchée dans un domaine auquel je ne connaissais strictement rien (je me souviens vaguement d’avoir plogué en entrevue le nom d’une loi sur la protection des renseignements personnels, juste pour avoir l’air de savoir vaguement de quoi je parlais!).

En outre, j’avais senti que le courant passerait bien avec le chef d’équipe, et je ne m’étais pas trompée là-dessus. Mais pour le reste, je n’étais pas préparée mentalement à être dans cette situation où je savais moins que jamais ce que je faisais! En traduction, c’est si facile de commencer un nouvel emploi: quel que soit le contexte, c’est toujours de l’anglais et du français, et on peut mettre la main à la pâte dès le premier jour, même si quelques ajustements terminologiques peuvent être nécessaires dans les premiers temps. Tout est ultra prévisible, et je me suis toujours sentie en pleine maîtrise de mes moyens.

En gouvernance, c’est tout le contraire: presque personne n’arrive dans ce domaine en l’ayant réellement étudié auparavant. Tout le monde ou presque apprend sur le tas, avec tout ce que ça suppose d’incompétence. J’avais sous-estimé ce que ça me ferait de me savoir aussi incompétente!

Sans entrer dans les détails de ce qui s’est moins bien passé, disons que les deux éléments principaux étaient mon manque de préparation, pas tant théorique que psychologique (jumelé à des attentes élévées que j’avais envers moi-même, alors que personne ne plaçait la barre très haut pourtant), et mon grand étonnement devant certaines de méthodes de travail qui me semblaient dater du millénaire précédent.

La gouvernance de données, c’est extrêmement important, mais souvent négligé: on pense d’abord à toutes les choses excitantes qu’on peut faire avec des données avant de considérer les risques. Avoir une police des données, c’est crucial, mais être la police des données, c’est très ingrat. Si vous avez besoin de vous convaincre de la pertinence de cette fonction, visionnez The Social Dilemma ou The Great Hack… ou pensez au gars qui a échangé les données de Desjardins contre des cartes-cadeaux de St-Hubert! Les dérives sont bien réelles, et il est plus que temps de redresser la barre. Mais beaucoup de grandes entreprises ne sont pas très avancées dans leur façon d’utiliser les données, et encore moins dans leur façon de les protéger. (C’est un euphémisme, je me censure un peu!) Le monde entier, et pas juste mon employeur, est loin d’être mature en matière de gouvernance de données. De bonnes intentions se traduisent plus souvent qu’autrement par une apparence de contrôle.

Si, au début, j’ai un peu eu l’impression que les outils qu’on me proposait étaient l’équivalent des rouleaux de cire pour de faire de l’ethnomusicologie, j’ai quand même fini par faire évoluer le processus un peu, et à la fin, j’ai même réussi à injecter un peu de Machine Learning là-dedans, contre toute attente.

Cela dit, même dans ce poste étrange qui ne me comblait pas entièrement, je n’ai jamais regretté d’avoir quitté la traduction. Au début, j’étais trop souvent dépassée pour avoir le temps de m’ennuyer. Puis quand j’ai fini par comprendre ce qu’on attendait de moi, tout ce que je trouvais tout croche me forçait à chercher de meilleurs façons de faire. C’était plus difficile, moins répétitif, plus gratifiant. Et c’était un pas dans la direction souhaitée.

Je ne saurai jamais si j’aurais pu obtenir un poste plus adapté à mes aspirations si j’avais été un peu plus patiente. Mais je sais que ce poste m’a appris beaucoup. Si j’avais attendu d’obtenir un poste demandant des compétences que j’avais déjà, j’aurais peut-être grimpé plus rapidement l’échelle, mais je n’aurais pas ajouté cette nouvelle corde à mon arc.

Je n’aurais pas non plus compris toutes ces choses sur mon rapport aux autres, sur ma façon de fonctionner et d’aborder la nouveauté et le travail, en général. Je ne pourrai jamais assez apprécier ce que ces deux ans m’ont apporté sur le plan de la connaissance de soi.

Si cette expérience en gouvernance n’est pas à ranger dans la catégorie des mauvais choix, elle s’inscrit tout de même dans la continuité des autres expériences que j’ai racontées dans cette Saga, comme un passage nécessaire (bien que parfois laborieux, disons-le!) vers quelque chose qui me permet enfin de ressentir une certaine satisfaction professionnelle, tout en me permettant de nourrir des ambitions qui m’ont cruellement manqué par le passé.

Au final, tous ces épisodes racontent une histoire qui a du sens. Ce sont les croûtes qu’il me fallait manger pour devenir grande, enfin, à la veille de mes 40 ans.

Une réflexion sur “La Saga des mauvais choix – Les croûtes qu’il me fallait manger

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