Récemment, au travail, j’ai participé à un événement virtuel où je devais présenter mon cheminement de carrière atypique, en compagnie de deux autres femmes au parcours tout aussi surprenant. Comme je n’avais que cinq minutes (j’en ai pris huit… la concision n’a jamais été ma force), je n’ai évidemment pas raconté la Saga des mauvais choix au complet: je me suis plutôt concentrée sur ma transition de la traduction à la science des données, dans les quatre dernières années.

J’ai donc beaucoup parlé de self-learning, à grands coups de métaphores. J’aime beaucoup le mot self-learning en anglais, d’ailleurs, parce qu’on apprend beaucoup sur soi en même temps qu’on apprend par soi-même. C’est devenu un peu ma marque de commerce, être autodidacte. Des fois, je m’en veux un peu d’avoir réalisé ça si tard… mais j’en suis quand même très fière!

Cette présentation m’a fait réfléchir, et réaliser quelque chose de très important: bien que j’aie beaucoup misé sur ma propre volonté et mes ressources pour réussir à changer de domaine en quelques mois sans retourner sur les bancs d’école, je ne me définirais pas comme une « self-made data scientist« .

Personne n’est jamais vraiment self-made. Déjà, au départ, ça prend au minimum une mère pour nous déposer dans le monde, et un père, même si son rôle peut se limiter à une très rapide intervention. Juste ça, c’est assez pour anéantir toute possibilité de se définir comme self-made: on n’arrive pas dans le monde comme un sac vide. On a déjà un bagage génétique plus ou moins avantageux. Il y a des choses qui sont acquises, bien sûr, mais il y a aussi quelques caractéristiques innées. Il n’y a pas grand mérite là-dedans.

Et après, pour s’épanouir, ce n’est rarement qu’une question de volonté. Il y a souvent un contexte (familial, social, économique… ) favorable. Oui, dans certains cas, une détermination hors de l’ordinaire fait en sorte qu’une personne venue au monde dans des conditions difficiles est capable de s’en extraire et d’atteindre des sommets qui sont inatteignables à d’autres. Mais même quand on ne le voit pas, je pense qu’il y a souvent un environnement bénéfique, des interventions d’autrui qui n’ont rien de divin, un soutien bienveillant… sans oublier que certaines personnes self-made construisent leur succès en marchant sur des têtes, mais ça, c’est une autre histoire.

Dans la grande échelle de l’humanité, ce n’est vraiment pas grand-chose, ce que j’ai réalisé en changeant de carrière, mais même à ça, c’est clair que je ne l’ai pas fait toute seule. Récemment, j’ai eu une promotion qui est en quelque sorte venue « sceller » ma conversion. Je porte maintenant le tire de « data scientist »… bien que cela me semble encore parfois un gros titre pour ce que je fais réellement; ça tient encore beaucoup de l’aspiration! Je pense que le moment est bien choisi pour remercier les personnes qui m’ont aidée en chemin.

Notez que je ne les nomme pas par leur nom, j’essaie de ne pas trop laisser de traces sur Internet… Enfin, dans mon cas, c’est assurément raté parce que même en racontant ma vie sous un nom de plume, ça ne prendrait pas de fins détectives pour relier les points de mon existence sur la toile… Mais les gens qui m’entourent n’ont peut-être pas besoin / envie de publicité, donc je me garde bien de dévoiler leur identité; je ne leur en suis pas moins reconnaissante! Alors les voici, en ordre plus ou moins chronologique:

Mes parents et mes sœurs, des gens d’une grande intelligence qui tiennent rarement en place. Au-delà d’une bonne génétique (sur le plan cognitif au moins… pour le côté musculo-squelettique, on repassera!), ça prenait leur soutien indéfectible et leur foi inébranlable en mes capacités pour me propulser.

Et parfois, c’est au détour de conversations d’apparence anodines que quelque chose se met en branle, comme la fois où ma sœur m’a dit « t’as 35 ans, pas 60, et ta carrière, c’est pas une prison ». Ce ne fut pas la seule fois où un point de vue extérieur est venu s’imprimer en moi. Ça prenait des gens qui me connaissent bien pour me faire comprendre que je n’étais pas obligée de me contenter d’un emploi qui ne me comblait pas.

Mon ancienne chef d’équipe en traduction, une personne qui a toujours été d’une grande bienveillance pour moi, même quand j’étais pour elle une vraie boîte à surprises. Je lui ai fait plus d’une demandes qui sortaient complètement du cadre, et « j’ai besoin de me terrer chez moi pour apprendre des nouvelles choses quelque temps parce que ça m’ennuie, ce travail de traduction » n’était pas la moindre! Mais son étonnement initial a rapidement cédé la place à un soutien plus qu’approprié et à des conseils toujours judicieux, dont celui de me trouver un mentor. Ça prenait une gestionnaire qui place le bien-être de son personnel en premier pour me donner le temps d’apprendre.

Ce mentor, un gars avec une aura de succès grosse comme la Lune! Quand je lui annoncé que je quittais la traduction après avoir obtenu un poste en Gouvernance de données, il m’a dit « Ça a été un plaisir pour moi de te regarder faire ce virage par toi-même »… Mais il sous-estimait l’importance de nos conversations et de sa simple présence: mon projet a d’abord semblé farfelu aux yeux de plusieurs, il me fallait le rendre socialement acceptable. Ça prenait quelqu’un avec une forte personnalité pour y croire sans réserves.

Mon équipe de projet de bénévolat d’entreprise, qui m’a ouvert toutes les portes à la fin de mon congé, au propre comme au figuré. Ça prenait le plus de gens possible pour m’accueillir à bras ouverts et vouloir me voir réussir.

Mon premier chef d’équipe post-réorientation, celui qui m’a engagée « à l’aveugle », sans que j’aie de diplôme ni d’expérience pertinents pour le poste. J’avais fait 3-4 entrevues intéressantes auparavant, où j’avais senti une curiosité sincère pour mon histoire sans que ça se concrétise toutefois en offre d’emploi. Ça prenait quelqu’un qui a confiance en la vie et en ses intuitions, et qui voit plus loin que le CV, pour embrasser le risque et pour m’offrir par la suite un soutien impeccable devant tous les défis d’adaptation que j’ai rencontrés, tout en sachant que j’avais une autre destination en tête.

Ma chef de service de l’époque, qui a rapidement cru en moi et qui m’a encouragée aux moments où j’en avais le plus besoin. Les premiers mois, la transition entre les deux univers (en plein début de pandémie) n’a pas été de tout repos. Une fois, elle a vu mes yeux pleins d’eau et a pris le temps, même en retard pour une réunion, de relativiser les choses avec beaucoup d’humanité. Ça prenait quelqu’un pour recadrer avec doigté les attentes parfois déraisonnables que j’ai envers moi-même.

Le grand dirigeant de mon équipe actuelle, qui, après avoir entendu parler de mon histoire, m’a contactée pour m’offrir spontanément conseils et encouragements. Même après avoir passé la porte d’entrée, ça prenait quelqu’un pour légitimer mes aspirations d’obtenir un poste demandant des compétences plus techniques.

Les collègues de ma nouvelle équipe, y compris celui qui m’a embauchée mais qui n’y est plus. Je me trouve dans une situation rêvée où je peux beaucoup profiter de l’expertise de collègues spécialistes, et aussi contribuer au perfectionnement d’autres collègues. Et je bénéficie d’un soutien qui frôle la perfection de la part de mes gestionnaires pour continuer de me développer. Ça prenait une petite famille de nerds enthousiastes pour me reconnaître comme une des leurs.

Finalement, mes filles et mon conjoint, qui ne pouvaient pas grand-chose pour moi sur le plan professionnel ni avant ni pendant la réorientation. Mais ça prend une certaine compréhension maintenant que je suis quasi workaholic. 😉

Et vous, les quelques fidèles lecteurs et lectrices de ce blogue, vous n’en avez peut-être pas eu conscience, mais vous avez compté aussi. Ça prenait des gens que je n’aurais jamais voulu décevoir avec une fin malheureuse!

Pour toutes ces belles rencontres (et pour quelques autres personnes avec qui j’ai travaillé au fil des ans), je suis infiniment grate! Je vous laisse sur une image de mon ikigai 2020 et de mon ikigai 2.0!

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