Ça fait longtemps que je pense à écrire un billet sur l’autisme… et que je procrastine parce que ce n’est pas un sujet facile. C’est que, voyez-vous, depuis que j’ai commencé à écrire ce blogue, fin 2018, la moitié de la famille a reçu un diagnostic de TSA. Ça se pourrait même qu’on soit 50 % + 1, honnêtement. Je me trouve moi-même un peu « suspectre ». (Trade-mark à mon conjoint pour ce néologisme de feu, qui me sert souvent dans mon for intérieur, je dois l’avouer, quand je suspecte des gens d’être pâlottes sur le spectre! Il y a des gens qui ont un « gaydar »… moi, je vois des traits autistiques partout!)

Mais là, ce mois-ci, c’est le mois de la sensibilisation à l’autisme, et je viens de tomber ce matin sur une campagne franchement bien faite, par une comédienne de Radio-Enfer, une émission bien de ma génération. Ça porte spécifiquement sur les autistes de haut niveau, les gens qu’on aurait appelé.es Asperger avant que M. Asperger ne tombe en disgrâce. Pour faire une histoire courte, le problème avec le docteur Asperger, c’est qu’il aurait fait une distinction entre le « bon » autisme et le « mauvais » autisme… et que cette distinction-là a essentiellement été utilisée pour déterminer qui était « récupérable » et qui irait au camp de concentration, circa 1940. Ça ne donne pas le goût de s’identifier à ça, mettons.

Donc, la campagne parle d' »autisme invisible », un terme qui marche plutôt bien à mon avis. Personnellement, j’ai souvent eu l’impression que mes problèmes familiaux n’étaient visibles que de l’intérieur. À l’extérieur, on a l’air d’une famille à qui tout réussit. Ce qui se passe réellement dans la sphère familiale est insoupçonné.

Mais ce n’est pas pour étaler toutes nos difficultés sur la place publique que j’écris ce billet. Ça ne serait pas particulièrement intéressant, même en rajoutant des métaphores très colorées. Surtout que la campagne, en sept capsules vidéo d’une minute, évoque bien les difficultés rencontrées par les autistes invisibles, particulièrement les femmes. Évidemment, en sept minutes, on n’est pas dans les grandes profondeurs de la neuropsychologie, mais ça fait à merveille ce que ça veut faire: de la sensibilisation. Le site offre par ailleurs des compléments d’information et des témoignages intéressants.

Ça me permet de juste sélectionner quelques aspects de notre vie avec l’autisme pour les besoins de ce blogue. Première chose: c’est vrai que l’étape du diagnostic est plus complexe chez les filles et les femmes. Genre que ça peut prendre deux évaluations plutôt qu’une. Pour une de nos filles, il y a eu une première évaluation neuropsychologique complète qui a révélé de la douance (révélé n’étant probablement pas le bon mot ici…) et un TDAH, mais qui a écarté le TSA parce que les rapports d’évolution du CPE ne le laissaient pas soupçonner. Une évaluation plutôt bien faite, pas bâclée du tout, je pense.

Mais après quelques années, une pandémie qui a accentué certains traits et des lectures qui me ramenaient souvent vers l’autisme, je voyais encore des choses qu’il me semblait invraisemblable d’expliquer par le combo douance-TDAH. Un mélange de propension volcanique et de repli sur soi. On a rouvert le dossier avec la neuropsychologue, et j’ai insisté pour l’utilisation d’un questionnaire destiné aux jeunes filles, qui a révélé des traits autistiques sans équivoque.

Personnellement, avec mon chapeau de personne qui n’est pas du tout spécialiste du sujet, je dirais qu’il y a deux choses qui justifient l’utilisation de questionnaires différenciés selon le genre. D’abord, les « intérêts spécifiques » des filles ont tendance à être plus socialement acceptables: animaux et romans fantastiques, par exemple… Connaître Harry Potter par cœur, c’est moins louche que se passionner pour des horaires de trains, si on veut caricaturer. Et ensuite, il semblerait que les filles ont plus de facilité à identifier et à reproduire les comportements prosociaux.

Après, est-ce que ça sert à quelque chose de nommer un trouble qui est appelé à s’atténuer par des comportements de camouflage et une forte volonté de se conformer? Ça, c’est vraiment une maudite bonne question à laquelle toutes les réponses pourraient être bonnes. Je pense que pour ma fille, c’était la bonne chose à faire. Ça l’aide à se comprendre, ça lui donne aussi un peu le droit d’être comme elle est… C’est vraiment forçant d’essayer constamment de se conformer, et ce n’est pas toujours nécessaire. Je dirais même que depuis qu’on a reçu ces diagnostics, moi-même qui n’en ai pas, je me donne davantage le droit d’être différente et de m’en sacrer que les gens me trouvent bizarre. Ça me sied bien de ne jamais rien faire comme les autres. Mais pour revenir à ma fille, je ne sais pas ce que ça changera dans l’adulte qu’elle deviendra. Je peux juste souhaiter que ça lui donne une clé de plus pour trouver son bonheur, à sa façon.

Sinon, de vivre au quotidien dans une famille avec beaucoup de neurodiversité… c’est un poids considérable sur mes épaules. Ce n’est pas évident de s’assurer du bien-être émotionnel de tout ce beau monde qui n’a pas particulièrement le bonheur facile, moi y compris. C’est beaucoup de tentatives de connexion qui échouent, de toutes parts. Vous savez, parfois, quand on est dans le fin fond des bois avec une couverture cellulaire qui n’est pas du tout ce que Vidéotron prétend qu’elle est… on peut avoir un téléphone dans la poche toute la journée, ne pas s’en servir ou presque, et à la fin de la journée, sa batterie va être déchargée quand même, d’avoir tenté constamment de se connecter à un réseau. C’est un peu comme ça que je me sens: souvent épuisée de ne pas trouver le signal, ou d’avoir « juste une tite barre » de façon intermittente et pas mal aléatoire. Ma batterie se décharge vite.

C’est frappant, parce que quand j’ai commencé à écrire ce blogue, dans mon tout premier billet, j’ai fait une métaphore dans la même veine. En 2018, une année de grande dépression, je me sentais « comme un cellulaire à 1% »… une métaphore qui aura attendu près de cinq ans pour être filée par la « reine de la métaphore filée »! Mais en relisant ce que j’écrivais à l’époque, je prends toute la mesure du chemin parcouru. Le grand ménage a pris du temps, mais maintenant, je comprends mieux ce qui me turbo-charge et ce qui me décharge. Et ça, autisme ou pas, ça change tout!

Une réflexion sur “Une métaphore à finir

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